Malgré une situation privilégiée, la biodiversité en Suisse continue à reculer. Heureusement il existe de nombreuses solutions, accessibles à toutes et à tous pour un jardin plus naturel et écologique. Chacun-e peut participer à régénérer la biodiversité à son échelle, que ce soit dans son jardin, sur un balcon ou sur des terrains beaucoup plus grands.
C’est avant tout du bon sens de chercher à prendre soin du vivant, et, comme édicter par ses fondateurs, « Favoriser la biodiversité » est aussi un des principes clés de la permaculture.
Nous bénéficions de reliefs variés, d’une agriculture relativement extensive et d’une situation géographique intéressante mais cela ne suffit pas. L’artificialisation, l’appauvrissement des sols, la dégradation des écosystèmes naturels, la pollution, et bien d’autres choses, contribuent à faire reculer la biodiversité. Sur le site de la Confédération Suisse il est précisé que «la moitié des milieux naturels et un tiers des espèces sont menacés».
Cela peut nous paraître abstrait face à nos problématiques quotidiennes et pourtant nous dépendons de la biodiversité pour vivre. Plus elle s’effrite plus notre sécurité alimentaire, notre santé et même notre économie sont impactées. On a donc tout intérêt à la protéger.
Alors en avant pour aménager des jardins plus naturels et écologiques.

Qu’est-ce que la biodiversité ?
Définition de la biodiversité d’après l’INSEE : « La biodiversité est la diversité des organismes vivants, qui s’apprécie en considérant la diversité des espèces, celle des gènes au sein de chaque espèce, ainsi que l’organisation et la répartition des écosystèmes. »
Elle comprend donc :
- La diversité des espèces : animales (mammifères, oiseaux, poissons, insectes, etc), végétales (plantes, arbres, algues, etc), fongiques (champignons), micro-organismes (bactéries, virus, etc).
- La diversité des écosystèmes, c’est à dire des milieux naturels : les différents types de forêts (tropicales, boréales, tempérées, alpines, etc), de milieux aquatiques (mers, fonds marins, rivières, étangs, lacs, etc), de prairies (sèches, humides, etc), les déserts, les banquises, l’atmosphère, etc.
- La diversité génétique, c’est à dire les variations entre les individus au sein d’une même espèce.
- La diversité des interactions, c’est à dire les différentes relations entre les espèces ou au sein des espèces : symbiose, mutualisme, commensalisme, parasitisme, compétition, prédation, etc.

Pourquoi inviter plus de biodiversité dans son jardin ?
Cela participe à la résilience de la nature, et donc à notre propre résilience. A notre échelle nous pouvons contribuer à enrayer le recul de la biodiversité. Nous avons le pouvoir, la nécessité et même le devoir d’agir : pour nous-même, pour les autres, pour les générations futures et pour la nature. Prendre soin de la biodiversité c’est aussi prendre soin d’une nature qui pourvoit à tous nos besoins et qui nous permet de vivre.
Le fait de rendre son jardin plus vivant possède aussi de nombreux autres avantages dont vous profiterez directement.
Si cela est bien pensé c’est plus économique car on intervient moins. En jardinant avec la nature plutôt qu’en lutte contre elle on gagne du temps et de l’argent.
Il y a aussi une beauté naturelle, plus spontanée et moins artificielle, plus vraie, qui se dégage d’un jardin entretenu de manière écologique. Il est plus vivant, plus organique, plus riche, plus intéressant. Cela ajoute de la poésie à notre vie et au monde.
Il devient également un lieu de ressourcement, de reconnexion à la nature et aux cycles des saisons. C’est donc un investissement pour notre bien être.
Un autre grand avantage, et pas des moindres, à l’accroissement de la biodiversité dans son jardin est qu’il va devenir de plus en plus autonome et résilient. Les espèces dites nuisibles auront leurs prédateurs et deviendront plus difficilement problématiques, la faune se régule. Cela peut prendre quelques années avant que tout ce petit monde s’organise mais ça vaut le coup d’être patient-e.

Soyez attentif-ve quand vous travaillez dans un jardin.
Comment développer la biodiversité dans son jardin ?
Prendre soin de la biodiversité concerne tous types de jardins. Que ce soit un jardin d’ornement, un potager, un verger et même une pelouse, des actions, ou non-actions, peuvent être mises en place pour le rendre plus vivant.
Un bon point de départ pour initier la réflexion est que notre vision de l’ordre est synonyme de désordre pour la nature. Une phrase très parlante que j’ai entendue pour la première fois quand j’ai commencé à me former à la permaculture et qui m’a profondément marquée. Les choses bien rangées et alignées sont un non-sens pour la nature. Avez-vous souvent vu à l’état sauvage des plantes parfaitement alignées, triées par couleurs ou toutes de la même taille ?
Voici donc un certain nombre de techniques et stratégies inspirées des écosystèmes naturels pour accueillir toujours plus de biodiversité dans son jardin.
Privilégiez les plantes indigènes
Les plantes indigènes sont les plantes originaires d’une région, ce sont les plantes natives d’un territoire, des plantes locales. Elles sont parfaitement adaptées au contexte dans lequel elles poussent car elles ont évoluées avec cet environnement spécifique. Elles ont également co-évoluées avec les autres espèces indigènes qu’elles soient végétales, animales ou autres. Les plantes indigènes sont donc particulièrement pertinentes de par leur adaptation à notre terroir ainsi que pour les services et ressources qu’elles fournissent aux autres espèces (nourriture, abri, etc).
Quelques exemples de plantes indigènes qui peuvent être plantées dans un jardin : l’aubépine, le sureau noir, l’églantier, le prunellier, l’ortie, la bardane, l’achillée millefeuille, etc.

Créez des zones sauvages
Elles correspondent à la zone 5 pour celles et ceux qui sont familières-ers avec la permaculture. Une zone sauvage consiste simplement en un espace dans lequel on intervient au minimum, et même dans lequel on ne met pas les pieds. Cela permet à la flore et à la faune de se développer spontanément et de vivre leur vie sans être dérangées par des interventions humaines.
On adaptera sa taille en fonction de l’espace à disposition. Dans un petit jardin ça sera peut-être juste un mètre carré de prairie et dans un grand domaine un hectare de forêt.
Si c’est un espace de prairie il faudra tout de même le faucher une à deux fois par année. Sinon l’évolution naturelle va progressivement mener à l’installation de ronces, puis d’arbustes et enfin d’arbres. Sous nos latitudes la nature tend à devenir forêt.

Plantez des arbres et des arbustes
Un arbres ou un arbuste est un écosystème à lui seul. Il peut nourrir et servir d’abri aux oiseaux et aux insectes, créer des micro-climats, favoriser la vie du sol et en particulier les précieux champignons mycorhiziens, aider d’autres plantes, etc. Les plantes ligneuses sont des éléments déterminant pour la biodiversité. En privilégiant des espèces indigènes on décuple leur intérêt pour la faune locale.
Semez une prairie fleurie
Plutôt que de semer du gazon, qui est un sorte de désert vert pour la biodiversité, pourquoi ne pas semer une belle prairie fleurie et colorée, ou un gazon fleuri si vous préférez une végétation plus basse.
On peut réserver les espaces de pelouse aux endroits où on s’installe dans l’herbe et dans les zones de jeux des enfants. Mais pour le reste autant mettre de la couleur et de la vie dans les zones moins fréquentées.
Pratiquez la tonte différenciée, ou tonte raisonnée
Cela consiste à ne pas tondre tout son jardin à la même hauteur, ni tout au même moment. Tondez en fonction de la fréquentation et de l’utilisation des différentes zones de votre jardin. Les zones fréquentées peuvent être tondues régulièrement alors que les endroits où on va peu sont plutôt laissés tranquille. On peut simplement tondre des chemins d’accès pour faciliter les déplacements tout en laissant le reste pousser librement.
J’ai écrit un article détaillé à ce sujet que vous pouvez retrouvez ICI.
Laissez les plantes vivre leur cycle de vie au complet
En permettant aux fleurs et légumes cultivés ainsi qu’aux plantes sauvages de faire leurs graines cela fournit une source de nourriture pour certains animaux et permet à certaines plantes de se resemer spontanément dans votre jardin. Elles seront plus robustes et pousseront généralement sans que vous ayez à vous en occuper.
Quand les plantes sèchent, laissez des tiges en place. Un certain nombre sont creuses ou avec une moelle tendre et pourront être très utiles aux insectes pour passer l’hiver ou pour se reproduire.
Observer le cycle complet des plantes est aussi une grande source d’apprentissage, de compréhension et d’émerveillement du vivant.
Utilisez les feuilles mortes et les tailles
La mort est source de vie. La matière organique qui se composte va nourrir la vie du sol et participer grandement à sa fertilité.
Les tas de feuilles mortes et de bois vont également servir d’abri, voire de source de nourriture, à de nombreuses espèces : hérissons, insectes, champignons, etc. Ils vont constituer des abris très proches de ce que ces espèces pourraient trouver dans la nature, et donc parfaitement adaptés à leurs besoins. J’ai écris un article plus approfondi sur l’utilisation des feuilles mortes au jardin.
Un tas de bois peut être composé des «déchets» de taille de différents arbres et arbustes. On peut également en faire des haies sèches, haies mortes ou haies de Benjes qui auront de nombreux avantages : protection (regards, vents, animaux sauvages, etc), délimitation, abri pour la faune, valorisation des branchages, esthétique, etc.
Les branchages peuvent aussi être broyés pour en faire du BRF (Bois Raméal Fragmenté) qui pourra servir de mulch afin de protéger le sol et nourrir la biodiversité qui y vit. On pourra faire de même avec les feuilles mortes.
Avantage collatéral à garder toutes ces matières : moins d’aller-retour à la déchetterie.

Taillez des arbres en trognes ou en têtards
C’est un technique ancestrale de taille d’arbre pour favoriser la pousse de jeunes rameaux. Elle est souvent pratiqué sur les saules mais aussi sur les tilleuls, les platanes, les vignes, les chênes et des nombreuses autres espèces.
Une trogne est un réservoir de biodiversité. De part les aspérités de son tronc elle est un refuge privilégié pour de nombreuses espèces d’oiseaux, d’insectes et d’autres animaux ainsi que pour de nombreuses mousses, lichens et autres plantes.
Les trognes sont aussi d’excellentes productrices de bois qui peuvent servir à faire du BRF, des plessis, de la vannerie, du bois de chauffe, du fourrage animal, etc.

Faire des tas de cailloux et des tas de bois

J’ai déjà parlé des tas de branches plus haut. On peut aussi en faire avec du plus gros bois. Toujours naturel évidemment, en évitant le bois traité. Et n’organisez pas trop vos tas, la nature n’aime pas les choses rangées et alignées.
On peut également constituer des tas de pierres, en particulier pour accueillir les lézard ainsi que certains insectes.
N’installez pas d’hôtels à insectes
Les hôtels à insectes sont à la mode mais c’est une fausse bonne idée, en tout cas pour la plupart d’entre eux. Beaucoup d’hôtels à insectes sont prévus pour abriter différentes espèces dans un espace restreint. Or ces espèces ne sont pas faites pour cohabiter. On risque d’héberger des proies juste à côté de leurs prédateurs par exemple.
Les meilleurs abris à insectes sont les refuges naturels disséminés dans votre jardin comme les tas de feuilles, de bois, de pierre, etc.
On peut tout de même installer des modules d’hôtel à insectes mais on se contentera alors d’abris mono-spécifiques, c’est-à-dire des hôtels destinés à une seule espèce d’insecte.

Faites son compost

Un compost regorge de vie, tant microscopique que macroscopique. Il fournit une matière riche et nourrissante pour les légumes du potager et les autres plantes du jardin. C’est une aide précieuse pour le développement de l’immense biodiversité du sol, clé de voûte de notre alimentation.
Installez des nichoirs, mangeoires et coupelles à eau
Dans la nature sauvage les oiseaux et les chauve-souris trouvent leurs abris dans leur environnement naturel. Dans un jardin c’est souvent plus difficile. On pourra donc les accueillir en installant des nichoirs adaptés et à des endroits propices, il existe des nichoirs spécifiques pour chaque espèce d’oiseau, et même pour les chauve-souris.
On peut aussi installer des mangeoires pour les oiseaux mais attention à ne pas leur donner n’importe quoi à manger, ni n’importe quand. Je vous recommande cet article de Birdlife pour bien nourrir les oiseaux.
Des coupelles d’eau peuvent également leur être très utiles en été. Il faut juste veiller à mettre quelque chose dedans pour éviter que des insectes s’y noient. Un caillou par exemple leur permettra de se hisser hors de l’eau et de faire sécher leurs ailes avant de redécoller.
On placera tous ces éléments en hauteur afin d’éviter que cela soit trop accessible aux chats et autres prédateurs.
C’est un véritable plaisir de pouvoir observer cette faune dans son jardin et elle pourra être une alliée précieuse. Par exemple en mangeant les chenilles qui s’attaquent à nos légumes et aux moustiques qui s’attaquent à notre peau. Vous pouvez même choisir le type de nichoir en fonction des oiseaux que vous voulez attirer pour réguler certaines populations d’insectes.

Faites des ouvertures dans vos clôtures

Si votre jardin est entouré de clôtures, créez simplement des ouvertures au ras du sol ou creusez dessous pour permettre à la faune de venir dans notre jardin ou de le traverser. C’est particulièrement intéressant pour les hérissons qui pourront ainsi venir croquer les limaces qui nous embêtent parfois.
Taillez vos haies au bon moment
D’après la LPO, la Ligue de Protection des Oiseaux, pour éviter de perturber la nidification des oiseaux il vaut mieux s’abstenir de tailler les haies et d’élaguer les arbres entre le 15 mars et le 31 août. On privilégiera même ce genre de travaux entre octobre et mars.
Cela vaut pour les tailles conséquentes, on peut bien sûr couper tout au long de l’année quelques branches qui nous gêneraient.
Aménagez une mare
Une zone aquatique c’est un nouvel écosystème dans votre jardin, c’est un catalyseur de biodiversité. Cela signifie une augmentation conséquente de la biodiversité de part les espèces aquatiques et semi-aquatiques, tant végétales qu’animales, qui pourront s’y développer ainsi que toutes celles qui pourront venir y boire.
En fonction de la taille de votre jardin cela peut être un petit bassin de moins d’un mètre carré, une mare de quelques mètres carrés ou même un étang d’un hectare. Tout est possible. Dans mon jardin actuel, comme je suis limité par l’espace, j’ai installé une grande bassine enterrée qui fait environ 50cm de diamètre. Cela me suffit à héberger au moins 4 espèces végétales, des insectes et parfois de voir des oiseaux venir se désaltérer.
C’est un vaste sujet mais sans aller trop loin il faut surtout veiller à ce que la petite faune et les insectes puissent sortir de l’eau s’ils venaient à tomber dedans. Il est également préférable d’avoir différentes profondeurs ce qui permet l’installation d’une plus grande diversité d’espèces.

Limitez tout ce qui nuit à la vie : produits phytosanitaires, béton, éclairages nocturnes
J’aurais pu commencer par là mais c’est tellement évident.
Les produits phytosanitaires ont pour but de détruire la vie. On parle de biocides, littéralement «qui tue la vie» : insecticides, herbicides, fongicides, etc. Tous ces produits en «cides» ont un impact sur la biodiversité.
La biodiversité profite difficilement des espaces bétonnées et plus largement de l’artificialisation des terres. Nous avons parfois besoin de cela, pour faire une terrasse ou une place de parking par exemple, mais il sera alors judicieux de bien réfléchir à ces projets. Quelle taille est nécessaire ? Quelles techniques va-t-on utiliser ?
Pour des places de parking par exemple il existe des solutions pour de pas imperméabiliser les sols et donc leur permettre de respirer ainsi que d’absorber les pluies.
Concernant l’éclairage nocturne il perturbe les cycles biologiques des plantes et désoriente les insectes. Les lumières extérieures sont donc à éviter ou à allumer seulement quand vous en avez besoin.
Favorisez la diversité et les mélanges
Que ce soit dans les haies, dans les potagers, dans les massifs de fleurs et partout ailleurs, plus on plante de diversité plus on attire de biodiversité. En diversifiant les types d’habitats et de nourritures de nombreuses espèces trouveront leur compte dans votre jardin et pourront soit s’y installer soit y faire une halte.

Pour conclure
Ensauvagez votre jardin. Inspirez-vous des écosystèmes. C’est la clé. La nature sait comment faire pour prendre soin d’elle-même. Les jardins tirés au cordeau, « propres », ne sont vraiment pas attractifs pour la biodiversité. La nature aime les choses qui s’entremêlent, se croisent, se rencontrent, cohabitent, interagissent, vivent. Ensemble.
La biodiversité appelle la biodiversité. Plus vous ferez de votre jardin un écosystème riche et diversifié, plus il trouvera son propre équilibre. Un équilibre en perpétuel évolution, au rythme des saisons et au fil des années. Car n’oublions pas que dans la nature rien n’est figé, tout est en mouvement permanent.
Adopter ce mouvement dans votre manière de prendre soin de votre jardin vous mènera à une plus grande compréhension des dynamiques du vivant, à un développement de vos connaissance de la nature et à tisser des liens toujours plus naturels et joyeux avec votre jardin et environnement. Ça fait profondément du bien d’entretenir des relations saines avec le vivant. Et c’est aussi une clé pour prendre soin de soi.
Article publié à l’occasion de la journée mondiale de la vie sauvage du 3 mars 2025.
Envie d’aller plus loin ?
Voici quelques propositions pour vous aider à booster la biodiversité dans votre jardin.