L’ail des ours, Allium ursinum, est une des rares plantes sauvages comestibles qui fait encore partie des cueillettes sauvages pour de nombreuses personnes en Suisse, avec les orties et les pissenlits.
C’est une des premières plantes pointant le bout de ses feuilles à la sortie de l’hiver. Il annonce le retour des cueillettes abondantes du printemps.
On le connaît souvent à travers la célèbre recette du pesto d’ail des ours, mais on peut aussi préparer de nombreuses autres recettes sauvages délicieuses. Attention cependant à bien l’identifier pour être sûr de ne pas le confondre avec des plantes sauvages toxiques. C’est aussi une plante sauvage médicinale très intéressante, en particulier au début pour une détox de printemps.
L’ail des ours commence généralement à apparaître au mois de février pour être vraiment abondant de mars à mai.

L’origine de son nom
L’ail des ours, Allium ursinum en latin, fait partie de la famille des Amaryllidacées depuis la mise à jour de la classification phylogénétique de 2009, avant cela il était classé dans les Alliacées. Il appartient au genre Allium, c’est donc un cousin de l’ail que l’on cultive, ainsi que de la ciboulette et du poireau.
Son nom viendrait du fait que les ours aiment particulièrement cette plante et s’en nourrissent abondamment au sortir de leur hibernation pour se purger et nettoyer leur organisme après leur long repos hivernal.
Une autre version raconte que cette plante tient son nom du fait qu’elle sort de terre en même temps que les ours sortent de leur hibernation.
Comment reconnaître l’ail des ours ?

Comme pour toutes les plantes sauvages il est important d’être sûr de ce que l’on cueille. Il existe peu de plantes vraiment toxiques dans nos contrées mais certaines le sont suffisamment pour être mortelles. Quelques-unes peuvent parfois être confondues avec l’ail des ours, d’autant plus quand elles poussent juste à côté. Pour cela il est important d’être attentif à ce que l’on cueille et de savoir distinguer l’ail des ours de ses voisines toxiques.
Où pousse l’ail des ours ?
La première chose à prendre en compte c’est son habitat. Il privilégie les sous-bois humides et affectionne particulièrement les abords des cours d’eau. Il pousse en général en grandes colonies, que l’on appelle stations, et qui tapissent les sous-bois parfois sur de très grandes surfaces à perte de vue.
Quand pousse l’ail des ours ?
Les feuilles sortent de terre à la fin de l’hiver et sont en général présentes tout au long du printemps. En fonction de l’altitude, de l’exposition, de la latitude, la période à laquelle l’ail des ours pousse pourra être décalée.
Il fleurit en général d’avril à juin.
Cela peut passablement varier en fonction des microclimats. Il m’est déjà arrivé de cueillir des feuilles toutes fraîches au milieu de l’été en montagne alors que partout ailleurs il avait déjà fleuri et fané.
L’odeur d’ail
On parle souvent de l’odeur pour identifier cette plante et il est vrai qu’elle dégage une puissante odeur d’ail. Seulement, après en avoir cueilli quelques feuilles, nos mains étant imprégnées de cette odeur tout ce que l’on portera à notre nez sentira l’ail. Ce n’est donc pas un critère très fiable passée la cueillette de la première feuille.
A quoi ressemble l’ail des ours ?
Il est toujours intéressant d’observer une plante en détail et de ne pas se limiter à son aspect général.
Il a des feuilles vertes lancéolées, en forme de fer de lance. Elles ont la particularité d’être brillantes sur le dessus et mates en-dessous, à l’inverse du muguet qui est mat dessus et brillant dessous.
Les feuilles possèdent une nervure centrale bien marquée et d’autres nervures beaucoup plus discrètes mais toujours parallèles, elles ne se ramifient pas en arborescence.
Chaque feuille est rattachée individuellement au sol par un pétiole.
A l’extrémité de la feuille, la pointe est claire, presque blanche.
Lors de la floraison il se distingue par de belles petites fleurs blanches à 6 pétales regroupées en ombelles.
Les confusions possibles
Il peut être confondu avec différentes plantes sauvages toxiques voire mortelles. C’est pourquoi il est important d’éviter tout risque de confusion. Voici les 3 confusions les plus courantes :
Le muguet, Convallaria majalis

Bien qu’il pousse un peu plus tard et généralement pas tout à fait dans les mêmes écosystèmes il n’est pas rare que les deux plantes se retrouvent au même endroit au même moment.
Les feuilles du muguet ne sentent pas l’ail, mais attention à ce critère. Elles sont plus coriaces que celles de l’ail des ours, poussent souvent par deux et sont mates sur le recto et brillantes sur le verso, au contraire de l’ail des ours.
Une fois en fleurs la confusion n’est plus possible. Le muguet forme des clochettes blanches alors que l’ail des ours fait des fleurs également blanches mais en ombelles étoilées.
L’arum tacheté ou gouet tacheté, Arum maculatum

Pas de confusion possible avec les feuilles bien développées qui ont une forme caractéristique de pointe de flèche. Restez tout de même attentif car elles peuvent alors faire penser à l’oseille.
Par contre, les toutes jeunes feuilles peuvent faire penser à l’ail des ours pour une personne qui ne serait pas suffisamment attentive à ce qu’elle met dans son panier. Une des principales différences est que l’arum possède des nervures qui se ramifient autour de la nervure principale, mais c’est souvent très discret sur les jeunes feuilles.
Il ne constitue jamais de tapis comme l’ail des ours mais pousse très fréquemment au milieu des grandes colonies d’ail des ours.
Le colchique d’automne, Colchicum autumnale

Bien qu’il pousse plutôt dans les champs il peut côtoyer l’ail des ours dans les lisières de forêts.
Par rapport à l’ail des ours les feuilles sont plus épaisses, elles partent directement du sol (sans pétioles) et pousser groupées, généralement par 3.
D’autres confusions sont toujours possibles. C’est pourquoi il faut toujours veiller à être bien sûr de ce que l’on cueille et consomme.
Cueillir l’ail des ours
Comme pour toutes les cueillettes de plantes sauvages on veillera à avoir l’impact le plus discret possible sur la nature qui nous offre ses précieux cadeaux.
Même si ce n’est pas toujours évident, évitez de trop piétiner les plantes. Par exemple en empruntant des chemins déjà tracés s’il y en a, et sinon en faisant son propre chemin en le réutilisant pour ne pas marcher partout.
Ne pas tout prélever au même endroit et ne pas tout cueillir. Il vaut mieux cueillir à différents endroits pour en laisser pour la faune sauvage et limiter l’impact sur les écosystèmes. C’est aussi important pour que les plantes puissent continuer à faire de la photosynthèse et développer de nouvelles feuilles sans trop puiser dans leurs réserves.
Bien faire attention à ne cueillir que de l’ail des ours et pas d’autres plantes qui pourraient être toxiques.
Cueillir des plantes saines et le plus propre possible, sans terre, brindilles ou morceaux de feuilles mortes. C’est toujours beaucoup plus simple de ne pas avoir à tout re-trier en rentrant à la maison.
Ne pas cueillir juste aux abords des sentes tracées par les animaux, pour limiter les risques de parasitoses telle que l’échinococcose.
Si vous déterrez des bulbes veillez à ce qu’il y ait une grande abondance de plantes pour ne pas entraver le développement de la colonie. Et pas tout au même endroit. Les bulbes se consomment plutôt quand la partie aérienne de la plante n’est pas visible ou peu développée, c’est à dire de l’automne au début du printemps. Il suffit alors d’aller dans un endroit que vous avez repéré au printemps et de creuser légèrement avec une petite pelle à main. Vous trouverez aisément ces petits trésors aillés.
Quelques recettes pour utiliser l’ail des ours en cuisine

Il existe de nombreuses façons d’utiliser les différentes parties de l’ail des ours en cuisine. Une des premières choses à savoir c’est qu’il se consomme surtout cru. Une fois cuit il perd tout son goût ou presque, surtout les feuilles.
Tout se mange dans l’ail des ours :
- les feuilles : ciselées et ajoutées à des salades, des soupes, sur des tartines, dans des pâtes, etc. Comme on utiliserait de la ciboulette ou une autre herbe aromatique.
- les boutons : crus en salade, dans des cakes, sautés à la poêle…
- les fruits et les graines : frais ou secs comme une épice
- les bulbes : utilisé comme l’ail cultivé
L’incontournable pesto d’ail des ours
Il n’y a pas plus simple, il suffit de hacher des feuilles d’ail des ours, idéalement avec un couteau bien aiguisé pour éviter l’oxydation, et de les mélanger avec de l’huile d’olive et du sel. C’est la recette la plus simple. Pour encore plus de gourmandise on peut y ajouter des oléagineux hachés ou en poudre : noix, noisettes, amande, graines de tournesol, graines de courges, etc. A tartiner sur du pain ou à mettre dans des pâtes par exemple.

Lactofermentation d’ail des ours
Personnellement c’est comme ça que je le préfère. Il suffit de mettre des feuilles ou des boutons dans un bocal type Le Parfait, de bien les immerger dans une saumure (de l’eau avec 3% de sel) et de patienter quelques semaines. Ces bocaux se conservent sans problème une année, et même bien plus.


Chips d’ail des ours
C’est gras, c’est salé, c’est délicieux ! 🙂
Dans un saladier mélangez vos feuilles d’ail des ours avec un filet d’huile d’olive et un peu de sel, (un tout petit peu suffit). Brassez le tout pour bien imprégner les feuilles. Étalez sur une feuille de papier sulfurisé en évitant que les feuilles ne se touchent. Enfournez pendant 10 minutes à 100°C dans un four préchauffé.
Elles vont sortir délicatement croquantes. Ne tardez pas trop à les manger.

Pickles de boutons d’ail des ours (au vinaigre)
Remplir un bocal de bouton d’ail des ours. Porter à ébullition le mélange suivant : 1 volume de vinaigre, 2 volumes d’eau, un peu de sel, un peu de sucre et des épices et/ou herbes aromatiques au choix. Remplir votre bocal avec le mélange bouillant, fermer et retourner le bocal. Patienter 2 semaines avant de consommer. Ensuite ça se conserve des mois.
Gomasio d’ail des ours
Faire sécher des feuilles d’ail des ours, voir des boutons, des fleurs, des fruits et des graines. Une fois sec réduire l’ail des ours en poudre grossière. Faire griller des graines de sésame (ou les acheter déjà grillées) puis les concasser dans un mortier ou au mixeur/blender. Mélanger l’ail des ours et les graines de sésames et ajouter environ 10 % du poids en sel (s’il est humide le faire sécher à la poêle). A saupoudrer partout, sur les salades, les soupes, les pâtes, le riz etc.
Beurre à l’ail des ours
Laisser ramollir du beurre, de préférence bio et local, à température ambiante. Hacher des feuilles d’ail des ours. Mélanger le tout, éventuellement en ajoutant un peu de sel, et remettre au frigo, ou utiliser tout de suite. Vous pouvez aussi le congeler en petites portions pour l’utiliser toute l’année en fonction des besoins.
Houmous à l’ail des ours
Mixer des pois chiches cuits avec de l’huile d’olive, du jus de citron, du tahin, du sel et un peu de l’eau de cuisson de pois chiche pour obtenir la bonne consistance. Vous pouvez ensuite soit ajouter des feuilles d’ail des ours finement découpées ou mixer avec les feuilles pour obtenir un magnifique houmous vert. En écrivant ces lignes je me dis qu’on pourrait tout aussi bien mélanger du pesto d’ail des ours à un houmous, à tester.

Propriétés médicinales

L’ail des ours est la plante idéale pour une cure de printemps, inspirons nous des ours.
Il a des propriétés antimicrobiennes, antibactériennes et antioxydantes. Il est aussi particulièrement riche en vitamine C. Tout ce dont nous avons besoin en cette saison.
Pour faire une cure c’est très simple, il suffit d’en consommer tous les jours pendant un certain temps. Le plus simple je trouve est de l’intégrer naturellement dans son quotidien. On peut en mettre dans les salades, se faire quelques tartines de pesto, ciseler quelques feuilles sur un plat, etc.
Pour les cures on parle en général de 21 jours, mais vous pouvez adapter en fonction de vos ressentis. Il faudrait simplement éviter de faire plus long, ou alors en faisant une pause d’une semaine avant de reprendre.
Sans même parler de cure, simplement en manger régulièrement pendant la saison où il pousse nous fera le plus grand bien.
Chez certaines personnes il peut être irritant pour l’estomac. Il est donc préférable d’éviter d’en manger en trop grande quantité si vous êtes sujet à cela. Sans cela les effets secondaires seront simplement un haleine sauvagement parfumée et quelques relents de la forêt. Si vous êtes en couple il est préférable que votre partenaire en mange aussi 😉
Cultiver l’ail des ours dans son jardin
Comme pour de nombreuses plantes sauvages il est possible de cultiver l’ail des ours chez soi. Il suffit de quelques plantes que l’on peut soit acheter en jardinerie ou pépinières soit aller chercher dans la nature, uniquement si cela est autorisé chez vous et qu’il y en a en abondance.
Il faudra ensuite le planter dans un endroit proche de son biotope forestier naturel, c’est à dire dans un sol humide, ombragé et humifère. Cela peut être sous un arbre, sous une haie, dans un verger, dans un jardin-forêt, au nord de sa maison. S’il se plaît il se multipliera au fil des années pour vous offrir des récoltes généreuses.
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter d’abondantes cueillettes et de bonnes dégustations !
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